Acapulco : le jour d’après

Nicolas Grisoni et Roxane Berjont, à Acapulco
20 Septembre 2013


Acapulco, station balnéaire mexicaine a été ravagée par l’ouragan Manuel. Pillages, crues et invasions de crocodiles, récit de deux étudiants français coincés au cœur du déluge.


Crédits photo -- JACOBO GARCIA / REUTERS
La ville d’Acapulco et sa région ont été ravagées par un ouragan dans la nuit de dimanche à lundi. Les pluies ont détruit des quartiers et des villages entiers ainsi que les routes reliant la région à Mexico, la capitale. Les 40 000 touristes venus passer le weekend férié en raison de fête de l’Indépendance mexicaine ont été bloqués.

L’état d’urgence a été déclaré par le gouvernement central ce lundi 16 septembre face à l’ampleur de la catastrophe. Le président Enrique Pena Nieto a survolé la zone en hélicoptère pour se rendre compte de l’étendue des dégâts, avant de prononcer un discours, sur place, garantissant à la population sinistrée une aide exceptionnelle.

3 jours de pluies incessantes ont redessiné le territoire : des quartiers entiers ont disparu, d’autres, comme celui où nous résidons actuellement, ne témoignent d’aucun dégât matériel grave. Cependant, les routes permettant l’accès à la ville ont été détruites, les aéroports sont entièrement inondés, les réseaux de communication coupés et les guichets de banque fermés, isolant complètement la ville du reste du monde.

Un bilan humain qui ne cesse de croître

Du point de vue du bilan humain, les chiffres ne cessent de gonfler depuis lundi, avec aujourd’hui plus de 85 morts, 200 000 blessés et un million de sinistrés. Concernant les disparitions, ce sont de longues minutes de silence qui n'en finissent plus devant les informations locales, à écouter ce journaliste à la voix grave dresser une liste sans fin où ne se mêlent que timidement des noms d’étrangers à ceux des locaux des quartiers pauvres gravement touchés par la catastrophe.

Les milliers de blessés ont convergé vers les hôpitaux de la ville débordés. Nous avons été témoins de situations tragiques. Entre autres, l’histoire de ce couple qui, faute d’argent, a vu son nourrisson mourir sur les marches de l’hôpital, ne pouvant bénéficier d’aucun soin.

La survie et l’évacuation, « Système D »

Crédits photo -- Reuters
Il semblerait qu’il soit dans la nature humaine qu’en situation de crise, l’état de nature l’emporte sur l’état de droit. En effet, en raison d’une arrivée tardive des vivres et secours promis par le gouvernement, la population privée de moyens de subsistance s’est ruée sur l’ultime solution : le pillage. Ainsi, de nombreux supermarchés se sont trouvés dévalisés. Des images fortes resteront de ces scènes de pillage, notamment celle de quelques membres de l’armée nationale, impuissants face à un tel désespoir, veillant, à l’entrée d’un magasin sur les sinistrés s’emparant des vivres.

Les routes étant impraticables, c’est vers les aéroports civils et militaires qu’affluent désormais en masse les touristes. Depuis ce mardi 17 septembre, date de leur réouverture, entre 2 000 et 5 000 personnes convergent chaque jour vers ces aéroports. Les quelques vols en partance pour la capitale sont loin d’être suffisants pour les rapatrier. Nous assistons impuissant à la dure « loi du porte-monnaie », qui prime même parfois sur celle qui veut privilégier blessés, malades, mères et enfants. Depuis le début des évacuations, seules 1000 personnes ont pu quitter la ville. Des milliers de personnes patientent ainsi dans des hangars, sous une chaleur de plombs avec très peu de vivres à leur disposition.

Pour terminer sur une note atypique, les crues qui ont fait déborder les lacs de la région d’Acapulco ont provoqué une invasion de crocodiles, qui ont investi les rues de la ville, ainsi que l’hôtel où nous restons à l’abri.